Le 10 octobre 2023, l’ASBL Together a ouvert les portes du « Carrefour des Usagers » pour une journée abordant le thème central « Le plaisir et les passions, les leviers de mon rétablissement ».
Cet événement, qui s’inscrivait dans le cadre de la semaine de la santé mentale, a été conçu comme un espace de rencontres entre usagers, ex-usagers et professionnels, visant à explorer les multiples facettes du plaisir dans la vie quotidienne.
Together est une association d’usagers et d’ex-usagers de structures de santé mentale, qui souhaitent renforcer leur participation à la vie de société. L’absl est mue par l’ambition de rendre la personne maîtresse de son rétablissement, par la valorisation des rôles sociaux et la participation à des groupes de soutien.
La journée a révélé que, bien que le sujet puisse sembler léger, subjectif, le plaisir au quotidien est en réalité une préoccupation collective pertinente.
Dans leur introduction à la journée, Cataldo Anzalone et Jean-Marc Bienkowski ont mi en lumière l’importance de la proximité avec les usagers. Ils ont souligné les outils tels que les conseils d’usagers, les groupes de parole et le Carrefour des usagers, qui favorisent l’expression des usagers. Au cœur des échanges, un souci commun a émergé, exprimée à la fois par les usagers et les professionnels : celle de l’épanouissement dans la vie quotidienne.
La 6e Échevine du PS-H, Bojana Visic, a partagé ses réflexions sur l’importance de la connexion entre usagers et professionnels.
Praticienne de médecine générale, Bojana Visic a témoigné de moments où, en fin de consultation, certains marquaient leur gratitude. Elle a souligné l’aspect mutuel de cette gratitude, décrivant ces moments comme des « cadeaux » qui enrichissent la vie des deux parties.
L’intervenante a abordé les trébuchements de la vie, soulignant que chacun, à un moment donné, fait face à des épreuves. Dans ces moments, Bojana Visic a mis en avant le rôle essentiel du professionnel de la santé, de l’usager et de l’ancien usager qui se complètent comme les pièces d’un puzzle. En effet, « qui connaît mieux une situation que celui ou celle qui l’a vécue ou qui la vit toujours maintenant?«
« Schopenhauer, un philosophe bien connu, disait et écrivait : « Les désirs tiennent si misérablement leurs promesses ». Alors à quoi bon? Préférons les plaisirs et les passions, et somme toute, tout ce qui fait qu’un individu a les yeux qui pétillent, les petits plaisirs sont le début du bon chemin.«
Elle a encouragé l’auditoire à identifier ces plaisirs au cours de la journée.
La Secrétaire générale de l’Association interrégionale de Guidance et de santé a souhaité la bienvenue au public.
« On a presque envie de dire la bienvenue chez nous quand on est avec Together, quand on est avec les collègues, les usagers.«
Se prêtant au jeu de la journée, elle a confié son petit plaisir quotidien : commencer la journée par un bon café et partir de la gare de son village pour voir paisiblement défiler le paysage par la fenêtre du train jusqu’à son lieu de travail.
Le plaisir passe par des petites choses d’apparence anodines et qui pourtant ont leur importance pour la santé générale.
Comment intégrer le souci des petits plaisirs au fonctionnement d’une structure? Par la participation.
Anne-Laure Georis a souligné l’impact significatif de la collaboration avec les usagers dans la création de services plus ouverts et évolutifs. Elle a plaidé en faveur de la considération des individus dans leur globalité, promouvant la participation à tous les niveaux de décision comme une valeur fondamentale pour l’AIGS. De plus, elle a approuvé l’importance des conseils d’usagers dans les structures de santé mentale, les considérant comme un catalyseur de changement organisationnel et de qualité des soins.
« Parce que la société évolue, les besoins des personnes évoluent et on ne peut pas se figurer, comme l’a très justement dit madame Visic, le ressenti, le vécu réel des personnes là où elles se trouvent. »
De ces constats, Anne-Laure Georis a terminé son interventions sur trois questions manifestant un souhait de renforcer la participation à des niveaux décisionnels plus élevés :
Vincent La Paglia, sociologue et chercheur, a présenté une étude qualitative sur le plaisir dans les activités participatives réalisée avec des bénévoles-animateurs et des bénéficiaires de divers ateliers de l’asbl Together.
Vincent La Paglia a identifié trois raisons principales pour lesquelles les bénéficiaires participent aux activités:
Des témoignages ont illustré comment ces facteurs influencent positivement leur expérience et participation.
Selon Vincent La Paglia, l’animateur joue un rôle essentiel dans le succès des activités. Trois fonctions clés de l’animateur ont été mises en évidence :
Vincent La Paglia a également abordé les facteurs favorisant le succès des activités, tels que l’amusement et le climat bienveillant, ainsi que les obstacles rencontrés, comme le manque de convivialité des lieux ou des difficultés relationnelles. L’étude révèle l’importance de créer un environnement propice à l’engagement des participants.
L’accent a été mis sur la culture du plaisir par les animateurs. Vincent La Paglia a souligné que le plaisir des animateurs à animer est contagieux et encourage la participation active et l’apprentissage des bénéficiaires. Cette dynamique positive est cruciale pour le succès des activités.
En conclusion, Vincent La Paglia a souligné l’importance des émotions positives, telles que la sécurité, une meilleure estime de soi et le plaisir, dans la participation aux activités.
De cette étude est sorti un article dans la revue de vulgarisation scientifique SocioLinspire, disponible sur le lien ci-dessous. Vous y trouverez des extraits de témoignages appuyant les constats.
Michel Ninin, écrivain et pair aidant, partageait son parcours personnel et professionnel lors d’une interview inspirante. Ancien cuisinier devenu écrivain après un tournant décisif dans sa vie, il évoquait comment l’écriture avait joué un rôle crucial dans son rétablissement et son aide aux autres.
Michel Ninin décrivait comment, après une carrière en cuisine et un accident de vie, il s’était retrouvé isolé, cherchant un nouveau but. Guidé par des thérapeutes, il s’était lancé dans l’écriture, créant son premier livre « AVC, La vie continue », une autobiographie reflétant ses expériences de rééducation dans des centres aux philosophies opposées.
Les écrits de Michel Ninin peuvent avoir un impact sur ses lecteur.
Il partageait ses échanges avec une lectrice québécoise émue par son livre. Les retours de la lectrice validaient son approche de l’écriture comme moyen d’offrir du réconfort et de l’espoir à d’autres.
Victime de deux AVC en 2011, cloué au lit et dans une chaise roulante, condamné par la plupart des médecins et une partie de mon entourage. Le plus grand combat de ma vie va commencer, avec une devise qui colle bien à celle-ci : « Là où il y a trop de prudence, il n’y a plus de place pour le courage. » Et du courage, il va m’en falloir…
Ninin encourageait les aspirants écrivains à être courageux et à laisser de la place à l’imagination des lecteurs. Il conseillait de ne pas tout décrire en détail, permettant ainsi au lecteur de se forger sa propre image et interprétation des personnages et des situations.
Michel Ninin concluait en mettant en lumière le pouvoir transformateur de l’écriture, capable de convertir les défis personnels en sources d’inspiration et d’espoir pour les autres. Son parcours, de la cuisine à l’écriture, était un témoignage puissant de la résilience et de la capacité humaine à trouver de nouvelles voies d’expression et de guérison.
Jean-Paul Vaes, directeur du CRF Le Maillet, partageait son point de vue sur le rétablissement dans les soins de santé mentale. Il mettait en lumière la distinction entre guérison et rétablissement et l’importance d’une approche globale dans le traitement des patients.
Jean-Paul Vaes faisait la distinction entre guérison et rétablissement, expliquant que le rétablissement est un état de recherche d’équilibre permanent face aux défis de la vie, contrairement à la guérison qui est souvent un processus plus direct et mesurable.
Pour illustrer la complexité du rétablissement en santé mentale : l’histoire de X, trentenaire père de famille victime d’un accident de voiture. Après la guérison physique il avait développé des troubles post-traumatiques affectant tous les aspects de sa vie. Ces troubles l’ont amené vers un isolement social et des problèmes d’alcoolisme qui lui ont valu une hospitalisation.
Après cette prise en charge médicale il a fallu une adaptation du quotidien pour maintenir l’abstinence. Cet exemple illustre ainsi l’importance d’une approche globale et complémentaire de la personne, qui tienne compte de son environnement pour favoriser un rétablissement complet.
Jean-Paul Vaes expliquait la philosophie de soin au CRF Le Maillet, basée sur 5 axes :
L’importance de l’autodétermination était soulignée comme un élément clé dans le processus de rétablissement. Jean-Paul Vaes partageait comment son centre encourageait les patients à participer activement à leur propre soin et à prendre des décisions éclairées concernant leur traitement.
Jean-Paul Vaes détaillait comment les usagers du centre étaient impliqués dans la gestion et la prise de décision du centre, illustrant cela par des exemples où les suggestions des patients avaient entraîné des changements significatifs dans les programmes et l’environnement du centre.
En conclusion, Jean-Paul Vaes affirmait que le rétablissement ne se limitait pas à l’absence de maladie, mais englobait une vie pleine de sens, où les patients retrouvaient le plaisir et découvraient de nouvelles passions. Il soulignait l’importance d’une approche centrée sur le patient, axée sur leurs forces et compétences.
Trois ateliers ont été proposés, chacun offrant un éclairage unique sur le thème de la journée. Ils ont permis aux participants de partager leurs expériences et de réfléchir ensemble sur les liens entre les petits plaisirs quotidiens, le plaisir, et le bien-être mental.
Un lunch commandité par le service Salto et confectionné par le service Le tilleul a été l’occasion d’aborder les liens entre une alimentation saine, la santé mentale, et le plaisir. Ce moment a favorisé les échanges informels et a permis d’approfondir la compréhension des interrelations entre alimentation et bien-être.
Animée par Jean-François Deloge, cette exposition a été confectionnée avec amour dans le cadre du Carrefour des Usagers
Le vernissage photo organisé par le Service d’insertion sociale Steel Coal d’Herstal a coloré les lieux. Cette exposition a mis en valeur une diversité de portraits de personnes posant avec un objet symbolisant une passion, illustrant concrètement le thème de la journée.
L’analyse des interventions lors de ce carrefour thématique fait ressortir des concepts importants en promotion de la santé. C’est pourquoi nous sommes fiers chez Salto d’avoir pu participer à cette journée.
Premièrement, l’accent mis sur la participation active et l’implication personnelle, comme évoqué par Jean-Marc Bienkowski et Anne-Laure Georis, s’aligne avec la notion de « capacitation » ou empowerment. Cette approche reconnaît l’importance de l’autonomie et de l’auto-détermination dans le processus de rétablissement et de bien-être, s’éloignant d’un modèle médical traditionnel pour favoriser une vision holistique de la personne.
La perspective de Jean-Paul Vaes illustre comment le rétablissement transcende la simple absence de maladie pour englober une vie pleine de sens, où le plaisir et les passions jouent un rôle central. Cette vision est en harmonie avec la philosophie existentialiste qui valorise la recherche de sens et d’authenticité dans la vie humaine.
Le récit de Michel Ninin, met en lumière l’importance de l’expression créative et de la résilience personnelle dans le processus de guérison. Son parcours souligne comment la passion et la créativité, à travers l’écriture, peuvent faciliter une forme de rétablissement unique et profondément personnelle, s’alignant avec des concepts de la psychologie positive.
Les idées présentées par Bojana Visic sur les plaisirs quotidiens et l’importance de reconnaître et de célébrer ces petits moments, résonnent avec les principes de la pleine conscience et la gratitude. Ces pratiques sont reconnues pour leur capacité à améliorer le bien-être mental et physique.
En conclusion, ces échanges soulèvent des questions essentielles sur la manière dont nous pouvons reconsidérer le travail et le plaisir dans nos vies. Ils invitent à explorer comment la participation active, la recherche de sens, l’expression créative, et l’appréciation des plaisirs quotidiens peuvent converger pour former une approche de la vie et de la guérison qui soit plus équilibrée, épanouissante et résiliente. Cette approche pourrait non seulement transformer notre relation avec le travail et le plaisir, mais aussi influencer positivement notre bien-être général et notre parcours de rétablissement.